Nous sommes le vendredi 22 février 2013. Je vais participer à notre première sortie club Suncarpe26 de l’année. Nous allons tous nous réunir pour pêcher sur le vieux Rhône, près de Valence. Les barrages hydroélectriques sont enfin fermés depuis quelques jours. Après plus d’un mois de débit infernal, le Rhône est enfin en décrue. Nous n’avons certainement pas choisi le weekend le plus approprié pour la météo, mais la motivation à exercer notre passion gagne souvent face aux intempéries. J’ai la chance de travailler à seulement quelques minutes des berges du Rhône. Je pose pied-à-terre sur la rive Ardéchoise, vers 17h15. Il me semble être le premier sur les lieux. Il fait vraiment très froid et le vent du nord intensifie l’effet glacial. Je quitte ma tenue de bureau pour la combinaison de ski, chaussette en laine, rangers, écharpe et gants. Attention : Robot-cop est de sortie ! Me voilà maintenant équipé pour monter mon campement. Je privilégie l’installation du rod pod avec les cannes, pour une dépose des montages avant la nuit. J’ai une heure devant moi, le chronomètre est enclenché ! J’ai gagné un peu de temps en confectionnant mes chaussettes solubles la veille au soir, bien au chaud à la maison. J’y ai intégré quelques pellets en 15 et 7mm, puis des moitiés de bouillette bien serrées dans les filets. Je vais essentiellement déposer les montages sur la berge d’en face. Le garde-manger se trouve en face de moi à plus de 200m, dans une berge de roches empilées les unes sur les autres. A cette époque de grand froid, ces spots sont redoutables pour la prise de nos cyprinidés favoris. Je démarre le moteur de mon embarcation et pars positionner ma première ligne de droite. Le cheveu est composé d’un binôme de bouillette de 14mm en bonhomme de neige, sur un montage combi-link. Je présente la plombée à 20m du bord, au plus profond de la pente, dans 6.5m d’eau. J’arrose le tout de deux poignées de pellets et quelques bouillettes. Je m’aperçois sur le chemin du retour que je ne suis pas le premier, mais plutôt le dernier à être arrivée sur les lieux. Mes collègues de pêche se sont installés 300m plus loin, sur le bas du parcours, bien cachés dans les arbres. Je continue la navigation d’une berge à l’autre, pour déposer les trois autres montages. Deux aux pellets de 25mm et une comme la première ligne déjà tendue. Ma stratégie est de vite cibler où se nourrissent les quelques poissons actifs. La ligne de gauche se présente à 3m du bord dans 2.5m de fond, jusqu’à celle de droite dans les 6.5m d’eau. Je barre toute la descente de roche de la rive opposée. Il y a bien une gourmande qui va se laisser tenter ! Le soleil se cache peu à peu derrière les collines Ardéchoises, laissant la température descendre au-dessous de 0°C. Il ne me reste que le biwi à monter et je pourrai enfin aller saluer les membres du club. Une fois l’installation terminée, Yoann arrive pour pêcher avec moi. C’est une nouvelle jeune recrue du club. A 14ans, cela va lui permettre de côtoyer des pêcheurs confirmés et surtout découvrir toutes les astuces de la pêche à la carpe sur le Rhône. Vu l’heure et l’obscurité bien avancées, il s’installe rapidement à côté de moi et lance ses lignes accompagnées d’un filet soluble. Cela permettra de tester notre bordure sur plusieurs distances. Après toute la mise en place, nous rejoignons le groupe autour d’un feu. Nous sommes tous équipés en tenue de cosmonaute pour braver le froid. Avec plusieurs blagues et bêtises en tous genres, les fous rires réchauffent les cœurs. Soudain, un son en continu sort de ma poche ! Déjà ! C’est ma centrale de touche qui s’affole. Je démarre un sprint jusqu’à mon poste de pêche. C’est la canne de gauche qui déroule. Je prends le carbone glacé dans les mains et stoppe le poisson. Malheureusement, le nylon est bien coincé dans les roches. Le poisson a dû se faufiler d’une roche à l’autre pour descendre la pente. Je saute dans la barque avec l’épuisette et affronte les vagues générées par ce maudit vent hivernal. Une fois en face, je parviens à dégager la ligne de deux ou trois obstacles, mais le poisson est très certainement parvenu à me casser le bas de ligne ou se décrocher, car le plomb reste bien coincé. La casse est inévitable ! Zut ! Bien joué petit poissounet ! Je reste motivé et remonte ma ligne. Je repars déposer le montage au même endroit. Je suis surpris de voir à quelle vitesse j’ai enregistré mon premier départ. Cette première nuit semble prometteuse ! Je retourne voir mes collègues pour déguster un bon plat de pâte avec des chipolatas grillés à la poêle. Après ce petit festin et le ventre bien plein, nous regagnons notre campement vers 22h30. J’en profite pour allumer le chauffage afin de passer une nuit agréable, malgré les conditions extérieures. Quelques bips viennent troubler le silence de la nuit, Yoann décroche un blanc à quelques mètres du bord, sur sa ligne de droite. Il relance son montage dans la foulée. Avec la fatigue de la semaine de boulot, je rejoins mon duvet pour tenter de trouver le sommeil. Mais comme d’habitude, mes pensées sont plus à la pêche que dans les doux rêves du monde des bisounours. Mon cerveau cogite sans cesse et reste à l’écoute du moindre son de détecteur. Puis vers 23h30, une série de bips salvateurs m’éjecte du bed-chair. C’est de nouveau la ligne de gauche. Je ferre et débloque à plusieurs reprises le nylon des roches. Le poisson vient tranquillement pour finir sa course dans un reste d’herbier, à 30 m du bord devant moi. Rien à faire, je suis obligé d’emprunter la barque pour dégager le poisson. Je brave une nouvelle fois les vagues et glisse la première carpe de la session à l’épuisette. Il gèle vraiment fort, l’eau se solidifie très rapidement sur la barque et le tapis de réception. Je pèse cette jolie carpe commune au poids de 8kg. Je prends vite fait bien fait une ou deux photos et relâche rapidement ce poisson. Après deux départs avant minuit, c’est avec grand espoir que je retends cette ligne. Je vous prie de croire qu’il faut être vraiment motivé et acharné, car retourner déposer un montage à plus 200m à minuit par -4°C, avec un vent glacial à décorner les bœufs et quelques flocons de neige frappant le visage, cela n’est pas mince affaire. Cette passion nous rend vraiment tarés !!! Une fois l’expédition terminée, je regagne mon couchage bien au chaud. Aux alentours de 3h du matin, la Led rouge de ma centrale de touche illumine l’intérieur de ma tente. Je sors et bondis une nouvelle fois sur ma canne de gauche. Je sens le nylon qui frotte les roches, puis le poisson s’en dégage. Le combat n’est pas violent et après quelques tours de manivelle, je glisse une petite carpe miroir dans les filets. Le peson m’indique le poids de 7kg. Je prends une photo et remets ce poisson à son élément. Je retends une quatrième fois cette ligne au ras de la berge d’en face. Les carpes ont l’air de se nourrir dans peu d’eau sur les bordures. Les autres lignes restent figées par la glace. Je me réveille vers 8h30, le vent est encore bien présent avec des petits flocons de neige ressemblant à de petits moustiques albinos. Je me rhabille chaudement pour affronter le froid. Je vais prendre des nouvelles de mes colocataires. Mise à part quelques blancs, rien à signaler de leur côté. J’ai sorti les seules carpes de cette première nuit. Au cours de la matinée, j’en profite pour montrer mes montages à Yoann et lui expliquer quelques méthodes et astuces de pêche. Il relève deux de ses lignes pour un contrôle de ses montages. Je m’aperçois vite de plusieurs petits détails négligés. Les raccords nœud sans nœud des hameçons sont montés à l’envers et je lui montre comment réaliser une bonne épissure pour ses leadcores. Nous profitons de ce moment pour réaliser deux brins d’arrachés en gros nylon, pour pêcher la berge d’en face. Sans cela, la casse serait inévitable sur le départ. Nous préparons un montage à la bouillette épicée en bonhomme de neige et un montage à la noix tigrée équilibrée, avec les filets solubles appropriés. Il est bientôt midi, nous rejoignons le groupe pour le repas. Nous faisons griller quelques côtes porcs et petits lards, accompagné de taboulé et de salade piémontaise. J’ai tout juste le temps de finir de manger quand ma centrale de touche me rappelle à l’ordre. J’engage un nouveau sprint jusqu’au poste de pêche. J’empoigne la canne et reprends mon souffle pour commencer le duel. Le poisson se laisse ramener sans trop de difficulté, mais les hostilités sont lancées arrivées près de la berge. La carpe zigzag entre nos lignes en me reprenant plusieurs fois du fil, puis le cyprinidé montre des signes de fatigue et se laisse enfermer dans les mailles de l’épuisette. Cela n’est pas un gros poisson, mais cette jolie petite commune de 7kg me fait bien plaisir en pleine journée et en guise de dessert. Je repars aussitôt reposer la ligne sur les roches de la berge d’en face. Quelques minutes plus tard, mon swinger de droite chute violemment. Je ferre et ramène un gros chevesne. Grrrr …. ! Suite à la révision des montages de Yoann en fin de matinée, je pars lui déposer ses deux lignes sur la rive opposée, une centaine de mètres à ma gauche. Pour sa sécurité, je préfère partir seul sur ma barque. Dans une eau à 6°C et un fort vent, une erreur ne navigation peut être fatale. Sa batterie est opérationnelle en milieu d’après-midi. Il lui suffit de quelques minutes pour enregistrer une touche. Sa ligne de gauche fait du yoyo, il y a certainement un blanc de pendu. Il se saisit de la canne, mais le poisson est bloqué dans les roches. Je prends mon embarcation pour libérer la ligne. Il y a bien une brème de piquée sur les noix tigrées. Nous changeons d’appât pour passer au pellet de 25mm, très productif sur ma ligne de gauche. Il est maintenant 16h, je décide de repositionner toutes mes lignes en réajustant mon approche. J’ai démarré quatre carpes à 3m de la berge, donc je vais en rapprocher une deuxième au pellet de 25mm. Je laisse les deux autres lignes de droite au même spot. Avant la tombée de la nuit, le vent s’intensifie de plus en plus. Les conditions sont vraiment compliquées à gérer. Les bordures du Rhône sont recouvertes de glace, due aux éclaboussures des vagues qui viennent s’écraser sur les bords et gèlent en une poignée de secondes. Les contours de ma barque sont constitués de stalactite. J’aurai bien aimé immortaliser l’événement, mais je suis en rade de pile dans mon appareil photo. Pour le repas du soir, nous nous réunissons autour du feu. Nous buvons un verre et mangeons pour reprendre des forces. Cette fois, ma centrale de touche me laisse tranquille. Nous allons tous regagner nos duvets bien au chaud, vers 22h30. Le vent est terrible, les arbres sifflent très forts autour de nous. Il ne se passe rien pendant cette dernière nuit. Il faut attendre 8h pour que mon swinger de droite m’indique une touche. Je sors un gros chevesne qui a osé engamer mes deux bouillettes. J’apprends que seul Guillaume a réussi à prendre une commune de 10kg dans la matinée. Cette deuxième nuit a vraiment été très calme pour tout le monde. Nous plions bagage aux alentours des 10h, pour retrouver la chaleur de nos foyers. Malgré les conditions hivernales, je m’en sors vraiment pas mal avec mes 4 départs et 3 poissons. J’aurai tout de même souhaité prendre un beau poisson dans la deuxième nuit. La nature en est ainsi … |